Intervention en seconde séance publique du lundi 18 juin 2018.
Pour la première fois, l’Assemblée Nationale a mené une action concertée d’évaluation des politiques publiques, sous l’égide de la commission des finances et en intégrant l’ensemble des commissions permanentes, dans le cadre du projet de loi de règlement 2017. A cette occasion, tous les membres du gouvernement ont été auditionnés sur la mise en oeuvre de leur budget par les députés de la majorité comme de l’opposition. Ces travaux ont permis de formaliser des propositions de résolutions, qui ont été examinés en séance publique.
Je suis intervenue sur la proposition de résolution du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) visant à mettre le peuple au cœur des débats budgétaires, pour expliquer le vote du groupe La République en Marche (LREM).
Merci Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur Général,
Monsieur le Président Chassaigne,
Chers collègues,
Mettre le peuple et ses aspirations au cœur des débats budgétaires est une résolution vertueuse. Pour autant, cet objectif doit être atteint en s’appuyant sur le principe de démocratie représentative, dont le Parlement est déjà le garant.
Bien que la Cinquième République s’inscrive dans une logique de parlementarisme rationnalisé, il n’en demeure pas moins que le Parlement reste la pierre angulaire de notre démocratie.
L’organe législatif dispose de prérogatives. Le titre IV de la Constitution lui confère des moyens d’action variés, l’érigeant en un véritable contre-pouvoir.
Bien que les révisions constitutionnelles se succèdent dans le but de renforcer l’effectivité de son action. Le texte de 1958 lui concède d’ores et déjà des pouvoirs importants. Finalement, il ne tient qu’à lui d’avoir la volonté politique de s’en saisir.
Dès lors, ce qui fait défaut ne réside pas tant dans la Constitution écrite que dans la pratique des institutions. C’est dans le jeu politique pur, qui relève du fait et non du droit, que se joue la place du Parlement. Le défi est davantage de sortir de l’inertie institutionnelle pour retrouver une vigueur et une force de contrepoids.
Rappelons que les fondements du pouvoir parlementaire résident dans les articles 24 et 34 de la Constitution. C’est bien le Parlement qui vote la loi, et c’est bien sous la forme de loi que sont fixées les dispositions financières et fiscales.
S’il constitue une limitation du droit d’initiative parlementaire, l’article 40 demeure un pilier de l’équilibre de la Cinquième république, symbolisant la lutte contre les dérives parlementaristes antérieures. Il permet d’éviter que des dispositions ayant une incidence financière directe puissent être votées, sans qu’il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter pour la situation d’ensemble des finances publiques.
Dans une période charnière de redressement des comptes publics, disposer de garde fous financiers se révèle essentiel. Multiplier les dispositifs parcellaires créant çà et là des recettes et dépenses, sans vision d’ensemble et sans perspective d’avenir, serait préjudiciable.
Concernant la participation de la France à l’Union européenne, elle procède de l’expression de la souveraineté étatique émanant principalement du Parlement qui a autorisé la ratification des traités.
Le titre XV de la Constitution témoigne de la volonté d’appartenir à l’ensemble économique et politique qu’est l’Union Européenne. Les contraintes résultant des textes européens ne sont pas des obstacles posés au Parlement national mais une discipline budgétaire nécessaire à la survie de la France dans une économie mondialisée.
Le Parlement français ne doit pas perdre de vue l’action coordonnée des parlements européens. Tous œuvrent de concert à la réduction des déficits publics et à la mise en place d’une économie de reprise.
Concernant le droit d’initiative parlementaire en matière budgétaire, le Parlement doit d’abord s’emparer de ses prérogatives actuelles avant de demander au Gouvernement de lui en donner de nouvelles. A ce jour, le problème réside dans la pratique et dans le rapport de force politique, plutôt que dans les moyens d’action juridiques.
Concernant la création de pouvoirs d’expertise propres au Parlement, d’une part cela suppose des moyens financiers supplémentaires qui ne sont pas d’actualité dans le contexte actuel de restrictions budgétaires. D’autre part, vous le savez, une réflexion est en cours pour doter le Parlement de moyens d’évaluation renforcés : par un travail plus approfondi avec la Cour des Comptes, avec des organismes indépendants, ou encore via la mise en place d’une agence parlementaire d’évaluation. Il est d’ores et déjà possible, à budget constant, de renforcer les pouvoirs d’expertise du Parlement : le « printemps de l’évaluation » en est un bel exemple. De nos jours, les parlementaires peuvent avoir accès à des documents objectifs délivrés par des autorités compétentes.
Concernant la composition de la Cour des comptes, la loi du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes a déjà répondu à l’objectif d’ouverture et de diversification. Par ailleurs, la Cour de comptes est avant tout une juridiction financière : elle doit donc être impartiale et indépendante. Dès lors, les opinions de ses membres s’effacent lorsque s’exerce la mission juridictionnelle qui est la leur. En outre, la crédibilité de l’institution ne réside pas tant dans l’origine de ses juges que dans leur degré de compétence, seul vrai fondement de légitimité. Enfin, leur statut découlant d’une loi qui n’a pas d’incidence financière, le Parlement serait autant en mesure que le Gouvernement à demander la diversification de la composition de la Cour, sans se voir opposer l’irrecevabilité de l’article 40…
Mettre le peuple et ses aspirations au centre des débats budgétaires, c’est le cœur de notre action. C’est une préoccupation que nous partageons mais cela implique déjà de prendre conscience des pouvoirs qui sont les nôtres, et cela signifie que nous les mettions en pratique de façon efficace et responsable. C’est notre ambition !
Je vous remercie.
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